jeudi 8 mai 2014

Le premier huit mai

C'est le premier et le huit mai...

Paris est fermé, Paris est férié. Pas de rendez vous, jour de soi, heures de soie, sans clic clac d'horloge ni  pas oppressés.

Premier mai ami...je me réveille avec un chat à ma droite, un chat à ma gauche dans un lit de Pantin. Les draps portent  délicieusement odeur et parfum d'une personne que j'ai aimé  à l'approcher en corps hier. Demain ce sera jamais peut être, on sait pas, on ne sait jamais, la vérité s'accueille aujourd'hui et ce parfum je m'y blottis maintenant.

Il y a son absence dans la pièce pour un au revoir ou un adieu. J'étais là pour eux, les deux créatures moustachues à l'allure de peluches débonnaires, de longs poils qui cachent les pattes, le visage, ils me regardent intrigués, une patte en avant, prêts à filer en arrière. Un à ma droite , un à ma gauche, la porte sur le côté. Je la prends avec mes rouleaux de papier, repoussant mes acolytes qui tentent de se faufiler dehors eux aussi.



Pantin, le canal, le patrimoine des banlieusards d'après Marc Perronne, un musicien sage comme son nom de philosophe grec.

Ce matin là est riche d'un mur vierge, face à l'eau, un mur comme je les aime, il ne paie pas de mine, il y a du rien autour, du rien, du sale, un pont, de l'eau. On l'enduit de colle ,on le caresse, on y passe les mains encore, on  cajole un mur pour y déposer le papier, les rouleaux, un, deux, trois, quatre. Deux joueuses de flute, la vie, la mort, les hivers, tous les étés , tous les "je serai" et l'amour au milieu qui danse doux, même et quand même.




Un passant remercie pour la "décoration" . C'est chouette  ce mot "décoration". La décoration c'est ce que tout le monde veut chez soi et ce que méprisent les "artistes". Décorateur c'est un petit nom d'oiseau pour les grands dindons farcis, bouffis de l'AAAAAArt. Je viens des piédestals renversés, de l'idée qu'on a pas besoin de noms pour ronfler, courir et chanter. Que les artistes reposent en paix. Booba et Brel l'ont dit mieux que ça.

Retour vers Paris Paris par la rue brigitte Fossey, pour trouver le métro il suffit de trouver des gens qui courent. Les touristes marchent, c'est normal ils ont le temps , ils ne sont là que pour deux jours. Nous on est là tout le temps alors on ne l'a jamais, on court, on court avec le vent.

Retour au Canal le 1er mai, le 8 j'en pars et c'est du déjà vu: Paris est férié, Paris est fermé. Exceptionnellement le canal sanctifié ne ressemble pas à une plage au mois  d'août sur laquelle aurait versé un pétrolier, offrant l'hydrocarbure pour zadig et voltaire et canettes de bière.



Le 8 mai c'est la même histoire et je la savoure. Le 8 mai les parisiens sont partis, les éboueurs sont noirs, les balayeurs arabes, les poinconneurs ne sont plus aux lilas. Le 8 mai je rejoins mon amie madame pour poser notre papier sur des murs qui seront nôtres jusqu'à ce qu'arrachage s'ensuive. Les gens disent merci, froncent les sourcils ou bien ne nous voient pas, on ne sache pas, on est donc invisibles.

Je me souviens que le ier j'écoutais parler une dame. J'écoute souvent les dames parler, en général elles disent moins de bètises, elles ont moins de crocs mais seulement en général. Les désertions sont aux généraux lorsque leur empire est de sang, les exceptions accompagnent toutes les vérités.

Cette Dame là  fêtait une Jeanne. Jeanne  était derrière elle , immense et lisse sur son mur à elle,  sans arc mais avec lance et armure. Elle disait que la France était un exemple de générosité, de tolérance, de liberté et que beaucoup d'immigrés étaient inassimilables de par leurs traditions. Cherchez l'erreur, trouvez l'horreur.



Le  premier mai j'avais fini ma journée en collant une femme tenant un coeur ailé . Un monsieur au matelas à angle de mur a proposé de m'aider. Il voulait parler de sa femme qui est partie, à cause des prêcheurs rue myrrha il dit. Il pensait à elle il dit et dans mon dessin il la voit. Il n'en revient pas, il pense à elle et houps j'arrive et je la pose là. "les femmes c'est comme ça , elles sont là et elles s'envolent".

Ce serait lui là la menace sur mon pays peut être. Peut être qu'à cause de lui un français de souche, de tradition ne peut pas dormir sur un matelas puant la sueur collé à un mur empestant l'urine. Peut être...

Le 8 mai on ne parle plus de Jeanne, c'est loin une semaine. Le 8 mai une dame et son fils partent chez eux m'apporter des ciseaux pour rectifier une affiche. Grâce à eux je la pose moins sale, il y a une lance, un cheval de bois comme une armure et le loup de toutes les peurs d'enfance et d'ailleurs.



Le 8 mai c'est aujourd'hui, il est quatorze heures et la journée déjà est pleine. Ca donnerait quoi si on logeait toutes les plus belles heures de nos vies en un jour un seul? Est ce que notre coffre à trésors déborderait de ces images là? 

On ne saura pas. Aujourd'hui c'est juste le premier huit mai. L'eau coule sous les ponts du canal. Il reste dix heures à vivre avant que la sortie du jour ne soit définitive.

1 commentaire :

  1. Beau et joli texte j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire .Merci beaucoup ! ������

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