Je cherchais un angle de prise de vue, les angles, la lumière, les fonctions inconnues de mon appareil photo, tout ça ce n'est pas pour moi, ni aujourd'hui ni demain.
Je cherchais aussi à attraper des passants sur l'image comme je le fais souvent pour y intégrer la vie, le mouvement et puis il y a ce monsieur qui est apparu 80 mètres plus loin.Sortant du petit supermarché un monsieur magnifique.
Agé, vouté, se servant de son chariot rempli de provisions il avançait lentement si lentement, à la fois marqué par l'effort et souriant. Il avait l'âge et le corps où chaque pas semble un effort. J'ai tourné la page de l'âge de la puissance sans jamais l'avoir connue, dépassé les jours où une nuit blanche se récupère sans effort mais pas cet âge là, celui qu'on s'interdit souvent d'atteindre dans ses promesses de jeune con.
Il avançait avec la dignité de l'homme et la minutie de l' artisan mêlées à de ses pas vers l'avant. Courbé, tendant son visage marqué de vie vers le bout de la côte. A quatre vingt, quatre vingt dix ans est ce que l'on marchera une heure pour faire cinq cent mètres et acheter du pain? est ce qu'on le fait déjà quand c'est seulement notre cerveau qui grince et pas encore chaque parcelle de notre corps?
Je l'ai attendu, essayant de ne pas trop le regarder parce qu'il était beau ce bonhomme. J'ai attendu et j'ai repris mes photos à son approche. A ma hauteur il s'est retourné malicieux, les yeux et le sourire explosant de vitalité et de lumière pour m'interpeller: il ne faut me prendre en photo, il ne faut pas que je sois sur la photo parce qu'il est beau le dessin!"
J'ai menti un peu en me taisant beaucoup mais...il fallait qu'il soit sur la photo parce qu'il est beau le monsieur.
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