dimanche 3 avril 2016

On était ensemble

Pour parler d'un moment il faut s'installer dedans, ouvrir grand et qu'il revienne, confortablement, qu'il s'insinue par tous les pores de la peau, de la tête au coeur, devenir raccords.

Pour parler de l'hôpital , de l'hopital de jour, de la maison de retraite j'ai invité la grippe. Elle est généreuse la grippe, entière. Vous l'invitez et ni une ni deux elle rapplique comme un hun. Pour s'installer elle s'installe et elle vous transforme en petit garçon. 

On a oublié mais on a été ça, des petits trucs qui ont mal, tellement mal. Des petites choses prisonnières d'un corps qui brûle à la limite du supportable. On dit qu'on a mal parce qu'on est polis mais on se dit qu'on meure, on est broyés du corps. Tout ce qu'on veut c'est se blottir, que les muscles arrêtent de brûler, que tous ces points ne martèlent plus. On veut plus de cinq minutes d'autonomie, vivre le jour, dormir la nuit.




On voudrait des bras chauds, un souffle, des caresses sur les tempes, un sourire, des mots de silence et pleurer dedans, on voudrait juste tout ça.

Personne n'a pleuré à l'hôpital, on a souri plutôt, plutôt beaucoup mais il y avait des grincements, des corps qui ne glissaient plus, des mains qui tremblaient un peu ou beaucoup et des personnes sans  masques, un peu comme en enfance ,heureuse ou non mais spontanée.

Une semaine au théâtre Les Carmes de La Rochefoucault, charentes, près de la maison pour une exposition de sérigraphies dans un ancien cloître aux murs magnifiques. Une petite équipe à grande énergie , accueillante, chaleureuse et puis des ateliers, des rencontres, un peu, beaucoup, peut être trop puisque dans l'esprit ce sont mes personnages de papier qui rencontrent qui le souhaite. Je suis plutôt loin derrière et surtout pas face à un public qui n'a pas choisi, pas voulu.Je ne vends pas d'aspirateur, regarde qui veut, pas de bateleur pour le papier net ou froissé.

J'ai vu des enfants de primaire, un peu, beaucoup, des collègiens un peu, trop,une maison familiale et rurale, un village offrant sa salle des mariages pour coller mes amis karl et Emeline, des adultes handicapés, un hopital de jour, une maison de retraite. Fermez le ban.



Terra incognita, je ne sais pas trop ce qu'on fera là bas, j'arrive avec des idées, des envies , beaucoup de flou quant au qui et quoi, comment . Bien sur mes idées étaient ...bancales.On a fait du banal et ça suffisait pour qu'il y ait un espace d'apesanteur. Finalement on marche sur la lune à peu de frais et sans grande technologie.

Ils sont huit et avec eux un jeune homme qui lance de l'énergie dans tous les sens, avec générosité, enthousiasme, qui chante quand il faut, parle toujours, encourage.

Huit c'est huit fois un, tous différents. Je viens pour proposer de dessiner, juste dessiner un personnage, peut être agrandir ensuite les leur, reproduire, coller, laisser un trace mais à vrai dire...On s'en fout rapidement de cette trace là. La trace se fait dans le moment. Il y a un déambulateur, une chaise, un homme qui ne parle plus , un autre mué en enfant craintif, une dame qui sourie peu mais on devient un groupe qui dessine.



Il y a des pathologies aussi mais je les ais peu vus. Je suis venu par la fenêtre, un instant avec des feutres et du papier. Dessiner avec des enfants c'est précieux parce qu'ils ne te parlent pas de sens et de catégories. Ici c'est pareil et différent, il y a une fraicheur dans cette salle d'hôpital banal où entrent et sortent sans cesse des personnes dont le dress code indique la fonction. 

Le monsieur en fauteuil oubliait les oreilles , je lui glisse qu'il ne peut pas entendre. Puis c'est au tour de la bouche, des mains, il sourie à chaque fois et ajoute l'élément manquant . Lorsque l'on arrive aux pieds oubliés le facétieux barbu au déambulateur, un corps qui grince et une grande lumière dans le regards, lui glisse "c'est l'habitude des roulettes" avant qu'il ne rient ensemble et que des pieds s'ajoutent sur un guitariste "yéyé".



Ces mains ridés, crispées, marbrées, magnifiques laissent venir des traits d'enfances, laborieusement ou pas, tous différents.Celui qui ne parle plus, aux mains qui tremblent si fort mais qui comprend, salue, remercie, hachure tout ce que je dessine pour lui et je crois qu'on était ensemble.

Celui  qui n'a qu'une dent ressemble un peu aux soeurs jumelles de freaks , son dessin aussi. Il fait peur avant de sourire mais sourie presque tout le temps, c'est un enfant de quatre ans gigantesque. Un autre crayonne des ombres, des formes et les raconte, décrit, il pourrait les raconter longuement . Je voudrais le temps de m'asseoir, écouter et savoir où va ce personnage à cheval que lui seul aperçoit mais déjà ailleurs, vite.

Je n'ai pas travaillé avec ceux qui ne bougent plus, les mains comme des serres, ni avec ceux qui hurlent, je ne sais pas, je ne sais pas si j'aurai su.





A l'hôpital de jour c'est différent, les monsieurs et dames vivent chez eux, viennent parfois. Là non plus je ne saurais pas qui souffre de quoi. C'est plus qu'une grippe, plutôt pour certains parkinson et autres elseihmer mais je ne suis pas là pour savoir.

Je sors mes rouleaux, présente mes bêtises à des personnes parcheminées, ressemblant à mes grands parents avant qu'ils ne partent ou ne soient plus vraiment là. Je présente et on dessine encore, des dessins d'enfants à nouveau, de la grâce, de la souplesse mais là on parle, on parle en dessinant.



On parle souvent d'il y a longtemps, de cette gifle reçue en cours de dessin et qui fait qu'il ne dessinera plus, des outils de celui qui ne voulait pas dessiner et qui guide mes mains l'air sceptique avant qu'il n'enchaîne par sa version de lui même en bleu de travail.On parle des dix frères et soeurs cadet(e)s de celle qui se levait à six heures pour traire les vaches et n'avait pas vraiment le temps pour des loisirs. 

On dessine , on parle un peu, on sourie beaucoup, on se remercie en partant, les hommes et femmes en blancs aussi dessinent. Je crois qu'on était ensemble, le reste du temps peut attendre.




1 commentaire :

  1. Je n'avais pas encore eu la chance de lire ton texte, ce texte de "on était ensemble"... Touchée encore plus, je le suis, tu peux bien l'imaginer...
    Finalement que de coups d'épées laissés dans nos campagnes pour un preux Chevalier... douces épées que l'on aimerait, bien plus souvent, rencontrer pour tout le bien qu'elles nous ont fait et qu'on voudrait retrouver...
    L.

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