mercredi 22 février 2017

Une nuit de batard qui pue




Ce soir , cet avant nuit c'est une belle journée, elle efface le reste d'un trait noir de jaie. Deux missions pour un trajet.

Rue carrière-Mainguet pour récupérer un livre belle idéede Jean luc Hinsinger où mes dessins, mes collages plutôt figurent dans ces pages qui regroupent quelques années d'évolution d'un mur du onzième. Un mur informel, rue carrière-Mainguet où les uns et les autrese sont succédés. Une rue dont l'auteur va déménager quelques mois après que ce mur ait été haché menu par des travaux après des années de rien dans bâtiments vides.

J'y suis venu de temps en temps, d'abord parce que c'était un mur, ensuite parce que c'était le mur de la rue où vit la famille H. C'est paresseux, c'est facile mais je suis abonné à des lieux, comme des repères, de petits points d'ancrage dont ma vie est à peu près dépourvue. Les murs repères c'est aussi un clin d'oeil à des amis, parfois, à des inconnus bienveillants souvent, si tant est qu'un clin d'oeil puisse être stupide.

On était venus là il y a un bail non signé avec des amis et assimilés dont j'avais fait le portrait pour une photo devant atterrir dans un livre ( déjà). Il y avait eux et derrière, une tête plus haut leur portrait en grand, à insérer dans un livre carré. Le temps de la photo des gens de la rue, de cette rue plutôt étaient venus, sourire, parler. Deux, trois policiers aussi. Une vieille dame leur a un peu crié dessus mais je crois qu'elle n'était pas si vieille et en tout cas je suis sur que ça les avait fait sourire.





Ce soir je parle un peu avec Jean Luc, toujours bienveillant, toujours généreux, toujours paisible .En partant,  bien sur, je colle en bas de chez eux un clin d'oeil d'oeil en forme de tigre à masque humain. Alors le ciel me parle , j'ai l'espace d'un instant une crise mystique mais le "ah! un petit fred le chevalier!" ne vient pas du divin barbu , je ne suis pas applé vers l'olympe. C'est une dame d'en haut, penchée à sa fenêtre,tout haut qui , un instant plus tard est en bas , tout bas. Quelques passants passent et s'arrêtent ( on dit des arrêtants?) c'est les échanges que j 'aime, pas trop près et  bienveillants, tellement vrai.

Direction porte dorée parce que des amis y vivent et qu'ils m'ont taquiné en me disant que " comme par hasard" je ne collais jamais là bas, "rien pour eux" et tralalala et ils font très bien les "tralalas" . J'ai coupé en mode robotique aujourd'hui, parti quand les forces commencaient à manquer pour leur faire cette surprise là. Cette surprise c'est le cadeau que je ne me serai pas fait tout seul., marcher quelques heures dans paris, marcher jusqu'à ce que le papier soit en rupture de stock et que les tendons tendonnent atones.



Rue picpus plus loin je débarque dans une rue peu propice tant elle est propre, deux personnages dont j'espère qu'ils tiendront assez longtemps pour que quatre yeux les voient sans être trop sur.

Plus loin un pont, deux millions d'affiches pour les pantalonnades de 2017, il y en a tant que je ne vois rien, je ne sais pas, juste des rectangles soigneusement juxtaposés. Deux personnages aux visages couturés par là pour regarder vers ma rue cible et dire bonjour, sur un bâtiment fermé, saccagé de suie, c'est leur maison.

Retour à pied, la tête pense toujours mais pas en boucle, je regarde autour, je regarde ce rien agréable.Il fait assez chaud pour marcher en paix, le quartier est assez froid de vie pour qu"on puisse le faire en paix et dans le silence.

L'aide marche du téléphone indique une heure sept avant destination, à l'aller je faisais la course avec le chrnomètre, je voulais battre le temps annoncé, je le voyais rétrécir sur l'écran. Cette fois je le débranche, je m'enveloppe.



La transformation est déjà faite un peu, j'ai de la colle plein les vêtements, on devient transparents, puants pour certains, toujours la même histoire. Arrêt ravitaillement j'ai le choix entre le carrefour machin ou le préposé parle de pute ou de salope, je ne sais plus et le chinois où on ne me dira rien. Je pars en chine, attrapant la nourriture avec une serviette, j'ai le coeur doux, les mains de boue. Si je reste longtemps près d'une voiture le propriétaire vérifie souvent.

Il y a des gens qui parlent des langues que je ne comprends pas, peut être parce qu'elles n'existent pas. En terrasse de jeunes blancs parlent à renforts de '"mon frère" , de "la chatte à barbie" et de je ne sais plus quelles expressions empruntées, peut être qu'à force de grimer on finit spontané, qui sait. J'essaie de feindre moi aussi mais ça marche jamais, je crois à peine plus en moi qu'aux illusions que l'autre a perdu. Salambo c'est quand même plus fort, j'aurais du vivre violent et romantique comme Matho.

Les rues sont des souvenirs, comme au monopoly on y a perdu ou gagné, émiétté un peu de soi. Les souvenirs tournent, tournent. J'ai collé sur des murs délabrés qui sont devenus des maisons propres ou des taudis toujours soigneusement bétonnés des fois que la misère viendrait s'y réchauffer.


Tout se transforme. J'essaie de transformer mes dessins mais je dessine mal en ce moment, je rate bien. Je rate avec des germes, des choses à rater, il en sort peu de dessins et ceux qui viennent sont de petites germes, on verra plus tard ou pas. On sait toujours quand c'est raté. Coller, découper, marcher la nuit c'est peut être plus rassurant, c'est faire, c'est vivre encore un peu, ça réussit, on sait toujours quand on se radoucit.


Je rajoute des pas pour le plaisir d'enjamber un pont, je rajoute des mètres pour me donner l'impression d'être le mien.



"j'aime les choses qui puent" ou "les gens" je sais plus est écrit sur le mur voisin, à côté du distributeur de billets. J'ai les mains vides de papier, pourries de colle, de terre, de je ne sais quoi, mes vêtements sont poussiéreux alors peut être qu'on s'aimerait. 

Sur une affiche un chat est perdu, il est "européen". Un jour dans le train une dame m'avait demandé quelle était la race de mon chat et soufflé comme en secret qu'il ne fallait jamais dire batard mais européen. Je dirais jamais européen madame, rien qu'à voir la gueule que t'as t'as pas l'air comme nous madame parce qu'on...est tous des bâtards.

C'était une nuit de batard qui pue, je te jure, elle était belle.Demain est un autre tour.



1 commentaire :

  1. Merci....
    Je vais devoir m'acheter un plan de Paris pour suivre vos aventures !

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