vendredi 9 février 2018

Rouen et carthage

Quand on est sédentaires on bouge toujours un peu, souvent aux mêmes endroits. On a une poignée de lieux,un,deux, trois restaurants, une boulangerie, une épicerie,quelques points fixes qui balisent les jours.

Il en va de même pour les villes, on y pose les pieds parfois, un peu, beaucoup, les jours déroulent des liens espacés, quelques souvenir avant de rentrer chez soi et que le temps passe , un peu, beaucoup.



Je suis venu à Rouen parce que Katia, amie de date longue comme ses bras tatoués y ouvrait une boutique galerie nommée "cheval cheval". Les trucs avec pour des amis on les fait toujours ou presque parce qu'on sait qu'on va sourire, on vient faire une bouffe avec des dessins, du deux en un et si il n'y a pas le un on fera le deux. Je suis reçu comme un roi mais c'est normal, haute en démesure et émotions Katia son surnom c'est la reine. On fait des marchés de créateurs ensemble depuis que la nuit des temps brille le jour, ça fait des souvenirs, souvent idiots, faut dire.



Pour cheval cheval j'avais dessiné un cavalier, un saint georges à l'allure d'enfant pourchassant le loup des peurs, des griffes, des rêves à le faire cavaler , à l'émietter. Je suis venu exposer, revenu exposer avec Pole Ka qui n'est pas gothique mais juste parce que les gothiques ne sont jamais gothiques et que c'est à ça qu'on les reconnait.


A Rouen j'ai rencontré l'amour, un amour qui dure toujours. Tu vis ta vie, tu aimes ailleurs, tu ris ailleurs, tu pleures ailleurs mais quand tu te retrouves le temps s'arrête et tu te dévores des yeux. Adieu travail, famille, patrie, on se regarde comme le feu , on se dévore avec les mains...Yvonne...Une grande...petite...mince...blanche...noire...à la peau caramel. Yvonne...ce sont les meilleurs éclairs du monde dont un chocolat blanc....renversant. Rouen c'est une visite obligatoire chez yvonne par jour, ils ont été décevants une fois, une seule.Une fois ça ne compte pas.






Quelques collages au passage, quelques sourires et c'est une petite habitude de prise. Un ou deux concert de plus pour entendre Rebecca Johnsson James faire les coeurs parce que les amis sont les amis. Rencontrer Coraline une jeune  photographe rouennaise à paris, promettre de lui rendre visite te laisser le temps filer.

Revenir à Rouen,esquisser une nouvelle amitié, souvent mes amies sont belles, ça doit être le hasard, mes amitiés sont devenues bienveillantes, ça doit être les tempes grises. Apprécier de nouveaux liens, boire du vin, marcher ensuite, coller un peu encore, coller les portraits d'amis ,revoir des vestiges qui ont déjà quelques années, donner du neuf. Repartir avec quelques images, pages tournées et Yvonne...Yvonne...




J'ai vu là bas passer la dernière manif anti mariage gay qui me soit passé sous les yeux. Rouen c'est la ville au cent clochers, une des villes aux cents clochers de normandie. Ce jour là il pleuvait, c'était gris ( il faut pas balancer mais là bas...) et c'était le moyen âge. Il y avait sous la pluie cette poignée de personnes à genoux, le visage emplis de tristesse , tellement que ça débordait. Il n'y a pas qu'eux, c'est vrai, la haine est en sureté, elle est partagée.




A rouen J'ai visité le musée de l'éducation, à rouen on m'a conseillé de postuler à un événement artistique nommé la ronde des musées. Organisé par la réunion des musées nationaux une série d'expositions in situ pour laquelle le centre des ressources du musée de l'éducation  propose ses murs.


Photo Gabrielle Tacconi


Je suis retenu l'année où j'essaie de quitter l'éducation nationale après quinze ans de services et quelques années de congés sans solde. Un congés sans solde c'est quand on a déménagé mais qu'on peut revenir. L'on ne se parle plus qu'une fois par an pour signer un papier, on ne touche plus rien mais on est encore reliés. Séparés, pas divorcés. 

On a tenu quinze ans, surtout moi, on a fait un peu beaucoup de banlieue en feu, un peu de ville. Il y avait des tentatives d'incendies dans mon premier établissement d'affectation.Lorsque j'en suis parti j'avais tellement honte de ce qui s'y passait que j'en étais venu à souhaiter que le feu prenne. Que le feu avale en moloch baal, sans morts ni blessés,  une solution à la carthaginoisee avecdispersion des cendres. Qu'il n'y ait plus rien là où le vice semblait incrusté. 





J'ai fait Paris banlieue, poitiers, paris banlieue, au nord , tout au nord, je suis remonté après un des quelques écroulements qu'un boiteux a dans sa vie.J'ai posé les deux pieds au sol à Saint Denis chez l'homme qui tient sa tête entre les ras.

Une "chef" d'alors qui dans un entretien à deux contre un ( il y avait le mauvais flic et le mauvais flic pour poser des questions sans laisser le temps d'y répondre, couper, couper, couper...):" j'ai eu l'adjoint l'an dernier, c'est votre tour".Je me suis eu tout seul peut être , mis à dessiner aussi puis je suis parti. 

Je suis remonté, pendant un temps c'était pas mal et puis on s'use, on nous use.

Que retenir de tout ça? Il y a beaucoup de visages, de souvenirs merveilleux  quand je repense à ces autres villes avec lesquelles j'ai un lien pour avoir travaillé dans ces lieux là. Il  a des bons mots, beaucoup, des sourires, des tensions, du rythme, peu de calme.L'éducation nationale c'est plus de personnes investies et généreuses qu'on ne le croirait dans cette machine mais  on s'use, on nous use, c'est l'île aux enfants croisée à un film de zombie et brazil.L'éducation nationale c'est une grande machine qui va vite, très vite, qui est pressée quand ses "usagers" demandent du temps, de l'attention , son personnel aussi.


Photo Coraline Croft


J'ai essayé de partir mais c'est pas évident. Il y a une indemnité pour départ volontaire et aide à la création d'entreprise proposée aux fonctionnaires mais quand on demande quels sont les critères d'obtention on vous répond qu'il faut démissionner d'abord, on vous répondra après. Ca ssemble vaguement au bento dans l'esprit, on sent que c'est mal parti pour gagner.

Fermer les yeux, sauter, espérer atterrir dans la bonne case.Si l'état gère ses employés avec humanité je crois que ce n'est pas la mienne, plutôt Landru que Jésus.

Ce pays essaie de nous persuader que Kafka est né français, c'est le désert des barbares et pourtant...Pourtant oui il reste à retenir les sourires , les moments d'utilité, de solidarité comme disent le catholicisme et tous les gauchismes parce que c'est ça qui nous fat pousser. C'est la seule raison valable de regarder devant et derrière sans courir comme un poulet sans tête.

Bref, je suis au musée de l'éducation alors qu'on est séparés, presque divorcés et que les papiers ont tendance à trainer.

Rouen post expo à paris, post expo à tokyo, troisième grande envie en trois mois. Un long mur d'enceinte qui encercle un bâtiment haut, attends...je fais une pause et on en parle... 














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