samedi 3 février 2018

Tokyo

J'ai vu le Japon en janvier. On s'est croisés avec les yeux ouverts grands pour ma part quand je ne les avais pas fermés, totalement.

Depuis que mes mains dessinent certains me parlent  avec certitude d'une proximité culturelle avec l'archipel de là bas, des motifs, des formes, des mangas.

Du Japon je connais, connaissais Mishima ( lu intégralement au lycée), un tout petit peu Kawabata et ses belles endormies, Araki sur le tard avec ses femmes fleurs et des images à droite, à gauche , Kunyoshi avec émerveillement, saeki...Des images, beaucoup d'images, quelques films esthétisés ou cinglés. 

Toutes ces images, ces impressions qui font naitre une curiosité et permettent à tant de français de parler, raconter le japon sous un angle macro et d'en faire une vérité révélée.





Par le biais de l'esthétisme, de la tradition on nous dira ceci, par le biais de perversions supposées, d'audaces, de soupapes on nous dira cela. Sans doute parce qu'on a besoin d'une vérité , à en nier le composite, la complexité d'un individu, d'un pays et plus un pays nous parait complexe, différent plus il semble qu'on ait ce besoin curieux de le rétrécir . On aurait scié les jambes de Gulliver.




Le japon est venu voir mes dessins à paris, régulièrement par des japonais de passage ou résidents. Quelques uns de mes dessins vivent avec eux à paris ou sont partis là bas. Les japonais venus aux expositions ont toujours été plutôt "différents", dans le ton, les mots, la distance.

On s'est beaucoup dit merci et ils ralentissaient le temps. 

J'ai eu des dessins mis en page dans " Elle " japon, j'ai eu des dessins illustrant un beau disque de FPM là bas mais en janvier je suis parti voir le ton et la distance avec quarante dessins dans le sac.

On est partis plutôt, avec Eko, galeriste comme une galeriste devrait être, éditrice comme quelqu'un qui t'offrirait l'émerveillement , amie comme une amie devrait être qui co organise cette exposition hors frontières avec Ayumi de la galerie Al Tokyo. Eko m'a appris une de mes phrases favorites: le temps est notre ami.



 Le japon c'est aussi le pays d'Eko et comme toutes les personnes à double culture quand elle parle son autre langue il y a une  voix inconnue , d'autres intonations, un autre rythme qui sortent de sa bouche. c'est pratique parce que pendant tout le séjour la grande frustration sera de ne comprendre la langue de l'autre que comme une musique.



J'ai caressé Tokyo des yeux, je me suis endormi partout à Tokyo ( passer une dernière nuit...blanche en pensant dormir dans l'avion et arriver frais quelle idée...moisie), j'ai rencontré Tokyo mais j'ai surtout travaillé à Tokyo. Assez pour s'en émerveiller, trop peu pour en parler.




La partie travail est assez étrange, fignoler le noir des dessins, encadrer, accrocher c'est comme à la maison, exactement comme à la maison avec du calme et des murs blancs. On est dans les habitudes mais tout autour, tout est autre, tout est différent. A chaque sortie, repas, passage dehors, tout est différent. Mes dessins "vieux" ou tout frais je me sens en fête de les voir ici.

C'est une exposition comme j'aime, un moment, un bout d'intime déposé sur un mur, calmement, lentement, pas une foire à la vitesse, une exposition. Je la prépare avec des personnes qui aident, permettent de faire quelque chose en quoi on croit, pas avec des gens qui veulent te faire rentrer dans ce qu'ils ont en tête sans poser vraiment une seconde les yeux sur toi, ce qu'on devrait faire toujours.



Entre les deux visite d'un temple shintoiste , espace de lent au milieu d'une forêt et ramène des porte bonheurs pour l'année du chien à destination d'un petit paquet de proches. Je découvre la lenteur, la propreté, le silence, le chant des oiseaux et on travaille avec un peu tout ça. Moi avec mon sens du bordel habituel et tous ceux autour avec minutie, exactitude, chacun semble "vraiment là" avec un sens du détail qui apporte constamment un petit plus. Dans la galerie comme lorsqu'une vendeuse te fait les plus beaux paquets du monde dan un millimètre de scotch la rigueur semble maitresse.




C'est comme Paris, comme Paris mais en négatif. Là bas aucune poubelle et pas un déchet par terre...Paris... L'impression que l'autre existe, qu'on le considère. L'espace est réduit mais il est pris en compte. Peut être que les codes, la retenue, le travail pèsent ils pour un japonais, pour un français s'exportant comme un "english man in new york" c'est confortable", extrêmement confortable. 



Pas de regards hostiles, de coups d'épaules dans la rue, de chemin à se frayer, seulement des pas, de la retenue, ces grands immeubles qu'on a tous vus, ces petites maisons, ce dédale de route, un grand ciel bleu. Des musées sans téléphones ni voix, une librairie immense ouverte à la nuit où l'on peu rester lire, s'asseoir, toujours sans téléphone, voix, bruit.


Début de l'exposition à midi le huit janvier, vernissage à 18 heures, je viens tard, à dix set heures quarante cinq il y a eu trois personnes, mon estomac se noue, ma gorge aussi et ma tête se répète comme un mantra" c'est bien, non c'est bien quand même d'être venu" et puis...et puis entre dix huit heures moins cinq et dix huit heures moins deux ...bim! tout le monde arrive.

Ici j'expose des dessins qui sont perçus globalement comme des dessins puisque mes collages n'existent pas, qu'on ne peut pas s'y référer. Il y en a à l'entrée, un dedans mais c'est une scénographie, un rappel peut être, un clin d'oeil qui se trouvera constamment entouré d'amis.




 Là encore c'est comme à Paris mais en négatif.Personne ne me tient le bras, ne me parle de sa vie , son boulot ou de je ne sais quoi avec tous les détails possibles , imaginables.Personne ne fait irruption dans ta bulle en aspirant l'air de toutes ses forces. On fait ça ici, ce n'est ni bien ni mal, parfois charmant, parfois assommant, parfois envahissant, c'est comme ça, on est français.

A Tokyo on me parle juste  et seulement de mes dessins, de mes mots avec des retours précis, des questions l'étant tout autant.






La distance est le maitre mot du séjour, elle est confortable cette distance, confortable est l'autre mot. De la distance, du confort et ni gestes ni mots qui viendraient rétrécir le silence, l'espace, les moments.






 Les mots, les titres de mes dessins sont bien reçus et interrogent.La traduction a été complexe, mes dessins représentent des personnages, des personnages, je sais les appeler fille et garçon, hommes et femmes mais dans le fond et la forme ils dansent un peu entre les deux , avec un peu des deux.Pour traduire il faut que je dise si il s'agit d'un homme ou d'une femme et qui parle, un homme ou une femme, c'est trop dire parfois, souvent.


 J'avoue ronronner un peu. c'est idiot mais le japon me parait si pointu et fin que plaire là bas ça fait ronronner un peu.Les personnes restent souvent une heure, une heure et demie et puis il y a des surprises... Il y a cette italo japonaise parlant français rencontrée cinq  ans plus tôt à Lecce, il y a ce couple américano-japonais qui m'a acheté tant de dessins à paris au fil des ans, il y a ce trio papa-maman-petite fille venus voir mes dessins à paris, il y a des sacs bon marché avec mes dessins, il y a des photos de mes collages sur des portables.





Je n'ai pas exploré Tokyo. J'y ais marché, j'ai ouvert les yeux, je me suis blotti au chaud dans des baignoires profondes, j'ai pris le meilleur repas de ma vie, j'ai été accueilli comme on peut espérer l'être , j'ai bu du thé fumé et quelques uns de mes dessins sont restés là.






Je crois qu'on se reverra, je pense qu'on à se dire, gouter encore au confort, réduire la distance, un peu mais pas trop.

Merci....









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