dimanche 21 février 2016

A droite, à gauche, au sud à l'est

Janvier, février sont girovagues , escampette, poudre, perlinpinpin . Des pas , à droite, à gauche parce que quelques billets permettent le train, que des visages mangent la gueule d'un sourire à vouloir les voir.

Peut être aussi parce que la colocation avec l'humidité, la toux, les coups de balai de la voisine quand je marche (plancher m'a tuer) et les insectes que l'ambiance délecte ne me plonge pas dans l'extase mais ça...c'est bientôt derrière.

Angoulême, Nancy, Nantes, Roubaix -Lille, Toulouse avec Paris toujours intercalé. Dans chaque ville un visage ami, mot de passe et alibi pour le voyage petit, dépaysement grand quand même.

Le temps est notre ami, le temps est notre ami dit souvent une proche sinon la seule alors il est pris.

Angoulême, ville natale, je suis marchand de sérigraphies et petites bétises pendant le festival de la bande dessinée. Enfant pendant le festival  c'était merguez, bouquinistes, disquaires et émerveillement, gratuit. Maintenant c'est...différent. Je n'en verrais rien, raté Hugo Pratt pour cause de vénalité mais "il faut bien vivre" dit l'âge adulte.



Des personnes, des visages , quelques passants perdus qui cherchent à parler de la pluie sur leur vie, faute de temps beau, harponnent mais peu, si peu, c'est pas capitaine Achab.Quelques personnes qui viennent encore, encore, années après années,fidèles. Il y a des parisiens en promenade, des adolescents disant avoir été conduit au dessin par mes collages. On dit merci et que c'est un peu fou la vie. Quelques "vrais" dessinateurs qui regardent de haut, commentent fort l'absence de technique, d'intérêt. Partout où il  y aura un regard l'homme parlera de la taille de son pénis et de sa puissance. C'est assez peu bandant mais tout le temps c'est priape.

Un joli couple achète pour son père à elle, ils sont beaux comme l'amour doux, le lendemain matin elle m'offre une fleur, une ou deux heures et on me vole la rose, "on" est un...Pas besoin d'avoir un frère pour créer "caïen est un chien!"



Le temps file, resto obèse, pas et blabla avec une amie de vingt ans et amitié où rien à se prouver, mesurer, aucune puissance  à tester. Repos.Une amie vue en concert, la timide inconnue connue campe un personnage pêchu. "Putain, putain qu'elle est belle".

 Quelques murs au passage, quelques uns, ce serait comme passer à côté des jours sinon, sinon.


Paris, je sais plus mais Paris. Vivre, sourire.

Nancy , Nancy pour l'androgynette, tatoueuse à l'allure noire et au coeur et attentions en coton, rose, rouge, blanc. Nancy pour me faire encrer un peu d'elle, parce que ses traits d'artisan sont magnifiques et que la personne aussi.

je déambule entre deux, je ne croise pas les guise de noir vétus , noirs dehors , noirs dedans, quelques belles rues, leur place des vosges, de la brique, de la pierre, un tunnel piéton. Les pas rassurent puisqu'ils ménent , au passage, à une belle librairie et à une patisserie. Nourriture pour les yeux et le ventre, tout va bien, rien ne va rien.

Boutique de tatouage, découpage, blabla, retour casa. Leur maison est douce comme un feu de cheminée, entre eux ça sent l'amour, pas un mur avec le monde mais des fondations encrées, joli. On mange des glaces à Monoprix, la vie est belle sans tarifs. 

C'était un troc, je laisse des dessins à des anges gardiens, je pars avec de l'encre , peau gardée.



L'aiguille tape, je me mords pour avoir mal ailleurs, on se tatoue pour contre, mal ailleurs, beau par dessus et ce beau là il est accessible, étirable, malléable, c'est notre beau à nous. Même suitant, difforme et repoussant.

Au passage un peu de papier encore, toujours. Moins facile à déposer, la ville parait propre, belle dans son centre. Je laisse un portrait, l'objectif premier, un portrait c'est comme un dessin avec un peu moins de nombril dedans et de l'émotion, c'est comme un dessin mais fleuri.

Paris, je ne sais plus mais Paris. Vivre, sourire. Photos avec Alyz, collage avec Madame, des pas avec Antho, je ne sais plus, c'est dedans rangé dans le désordre et enrobé d'amour.




Nantes, au milieu d'une famille, trois enfants, 6 mois, deux ans et demie, quatre , bientôt quarante trois, j'en aurai pas. Je partirai avec mon nom et de l'éphémère en mémoire fleurie de poussière.

Nantes à nouveau, une librairie encore, des gâteaux toujours, je dors chauffage au sol, comme chez moi mais inversé, ici c'est chaussures obligatoires et souffle passe murailles. Là bas un peu de sourires pour enfants, discussions de grands et marcher le long du fleuve. Nez à nez au lieu unique avec un ami de lycée, pas vu depuis mes seize ans peut être. Nez, yeux, bouche oreilles. On était du "petit coin", enclos punk dans cour de lycée, angle mort, musique vivante. On se parle avec le même bonheur qu'il y a...




C'est juste chouette.

Personnages de papier aux endroits habituels , déchirés bien vite d'après la toile qui aura eu le temps de les embrasser avant, merci à elle, sur mon coude pas d'araignée tatouée, je suis trop paresseux pour ça.Une passante inconnue vient parler. C'est souvent précieux ces mots à la volée puis s'en va , avec qui on n'aurait jamais croisé les mots sinon. Précieux quand l'autre ne vous appelle pas "mon petit" , "mon cher" ni pose la main sur l'épaule avec la même délicatesse que si il l'enfoncait dans votre pantalon. On sourie, scrute ou pas, les mots dansent un peu , bal à blanc.



Elle parle de ses tumeurs, de ces trucs qui grandissent en elle, je comprends, j'entends mais mes ciseaux ne peuvent pas le découper ça. Sur le grand lit où j'ai placé un enfant de nuit il y a des mains à griffes noires. Pour elle c'est ce truc là. Elle y pensera, dit elle, en entrant à l'hopital et aimerait le voir sur murs. J'espère qu'elle l'y verra en sortant propre, peux pas plus qu'espèrer.

Paris, je ne sais plus mais Paris. Vibrer, Sourire.Une des plus belles nuits. Une vie pour rien mais avec beaucoup de choses.


Lille-Roubaix. Déjeuner avec Raffy et Seb , masseur et tatoueuse de constellations. Sur mpon bras j'ai de petites signes astrologiques volées aux dates de mes deux premières expositions. Je n'ai pas de dates à fixer en 2015, le précieux ne se programme pas. C'est comme Paris , il y a des rues, du bruit, des passants sauf que quand tu es perdue le livreur te dépose dans sa camionnette parce qu'il ment en disant aller à côté.



Il y a toujours une librairie , un trou de plus sur mon compte bancaire, de la place dans mon sac et la patisserie est remplacée par une boutique veggie vegan proposant des exotismes, oubliées dans un frigidaire, pax romana à leur âme.

Roubaix, une famille, jolie maison , trois personnes , eau vive. Je cherche une voix qui fasse rire, trouvée. La journée j'attends, je dessine, dessine, avance. Le dessin crie qu'il manque, je dessine, dessine et le temps s'avale. Moments entre amis-famille de trois jours d'adoption.



Passage à la piscine pour voir l'expo Chagall , terminée la semaine précédente. Trouver un vaste beau mur, déposer un autre portrait. Quelques pas avec les filles et leur adolescente de mère, coller avec elles, elles s'intéressent puis dispersent, c'est le rythme de l'enfance. S'émerveiller, se disperser. Le rythme de l'humain, de la modernité aussi. Peu te prendront pour un chien mon frère, pour un jouet souvent, on le caresse, le jette en l'air puis lui arrache un bras et débarras. A toi de trouver ton tambour, toujours.



Je laisse sur le mur d'en face, le chemin de l'écôle , une trace de mon passage et de quelques sourires. Le journaliste d'un journal noble n'était venue me voir que pour parler d'argent, l'autre fois, ce stratégies, de visibilité par les murs. Bien sur, bien sur, l'argent est partout mais si il était le moteur ce serait bien sec , tout ça. Le curseur de la réussite il est là, se laisser avaler par des pas, sourire à un mur les mains gelées et en cadeau bonus aux tâches dégueulasses sur habits de ramoneur un sourire en retour.

Ses questions n'étaient pas une erreur, juste une insulte mais on se lave les mains de la boue des autres.La susceptibilité c'est aussi une veste matelassée.

Paris, j'ai pris un an à Roubaix. Je me souviens très bien. Vivre, anniversaire médiocre le jour J, c'est une tradition. Une rencontre à mots qui bougent, du cinéma , pas à pas, étrange, anniversaire vécu jour J. plus quelques uns. Vivre, sourire.

Toulouse. Toulouse, toulouse. Ville de coeur coupé en quelques lieux.Combien d'étés, hivers là bas? Je ne sais plus. La ville m'est toujours inconnue, comme le monde et la paix, juste effleuré, caressée. La garonne coule toujours, ma filleule n'habite plus ici, sa mère non plus. C'est chez moi et pas.

Un petit huis clos de vie, sève, sourires, quiétude d'une bulle chaude et toux, toux, toux, saleté de corps, ildevrait rester un décors. Promenade à deux, collage à deux. Toulouse est propre, nettoyée, repassée, quotidiennement. L'éphémère se mesure en heures. On trouve du sale quand même, enjambe , descend sur berges, mini escalade façon enfance, la cabane dans les bois est une cabine au bord de l'eau. On dépose un bonhomme là où d'autres dorment, espérant qu'ils aimeront.



Sur le mur est écrit " enculer dieu" , je n'y crois pas, On ne devrait enculer qu'en joie.

Lendemain en solitaire, traverser un champ d'orties soigneusement pour ne pas le défigurer, déposer un personnage à côté d'un coeur et d'un pont que je n'emprunterai pas ou si. Déposer portait , encore, sur porte de garage défoncée, soigneusement, doucement, manteau accroché plus loin , le froid pique un peu, la sueur délivre. Une voix dit "il ne faut pas coller là" et c'est mon amie Leïla hilare de rien. Les liens qui nourrissent sont chronologiques, les autres hystériques.


                                                  Photos Capucine Moreau


Avant,coller une photo d'une amie par un ami. Comme au début, quand je ne signais pas et que je collais dessins d'amie pour qu'elle réalise que "putain c'est bien" et qu'on les regarde en souriant "putain c'est bien".


                                                                   Anthonoir


                                                Photo Leïla

Je colle anthonoir, je ne sais pas si l'homme est un loup cannibale mais Anthonoir, anthony est si belle amitié que je le dépose encore, où je vais il va. Le partage et la solidarité ça tient autant de l'esprit punk , papier, ciseaux , colle UHu que du christiannisme primitif.

Je n'encule personne.

Un train plus loin, ici c'est Paris, souvent ça pue, parfois c'est doux. Aujourd'hui , des pas pour récupérer des valises propres, marcher le long du canal, s'enfoncer dans les rues, lever la tête vide, le sourire plein.

Demain Marseille, Angoulême, La rochefoucault.

Après demain...Berlin? Nancy? Lille? Strasbourg? Saint ouen?



La suite c'est içi.





mardi 6 octobre 2015

Aujourd'hui c'est demain

Parc de belleville dix neuf heures et pas mal de brouettes. Il y a ce type qui marche derrière moi d'un pas tendu et téléphone, il grogne "espèce de connasse!" en regardant le numéro qu'il compose puis crache et il crache tellement sale qu'on sent un crachat dans le crachat. Elle décroche, la voix du cracheur devient miel et velours, il lance "bonsoir ma puce, comment vas tu chérie?".



La dernière exposition, celle qui vit jusqu'au 18 octobre c'est le négatif de ce truc ordinaire qui doit se nommer violence ou duplicité, on s'en fout, c'est pas nous. Il n'y a pas de crachats , il n'y a pas de connasses, il n'y a pas de chéris qu'on méprise avec mes équipages d'un jour ou de long cours.



Avec Emi La



"A demain" c'est le truc que je m'étais dit que je ferais un jour, un des trucs parce qu'heureusement il y en a d'autres et que le temps allonge la liste.

On racontera ce qu'on veut mais tout se construit d'abord tout seul, on saigne, pleure, rit, aime sur du papier, on s'essuie dessus, on l'embrasse, on s'en nourrit mais on est seul avec ça. On se grandit tout seul, on s'aime tout seul et puis après...


                                                                 Gérard Jaulin

Après il y a les rencontres, les partages qui amplifient, donnent plus de sens, développent. Mes pas dans le dessin je les ai fait comme ça, en caressant du papier, seul sous un arbre, en l'épousant petit à petit. Ces pas, je les fais seul à me casser les yeux en paix sur une grande table, à marcher  avec mon chariot et mes tâches de colle sur uniforme noir dans quelques rues.



Seul mais en croisant bien des gens qui comptent , avec qui on partage. Je voulais d'une exposition qui dise merci, qui montre les autres, les associe et qui dise "on continue ". Alors c'est une exposition à invités, il y a celle qui m'a donné envie de dessiner, celui qui m'a encouragé,; mon père à la peinture puissante, mes gentils sérigraphes ultra actifs, mes amies de collages, de dessin, de blabla et tout ça à la maison: galerie ECHOS, Ménilmontant, plus beau quartier de Paris.


Ce n'est pas vraiment une exposition de moi, plutôt une caresse ou un sourire.



                                                                        Avec Seb Cazes

Le partage il s'y incarne , au delà de leur présence sr les murs avec leurs dessins, tableaux, gravures par des dessins à quatre mains. On a dessiné plus ou moins ensemble , par courriers, par rencontres. Petit à petit, j'ai couru chercher çi et ça , leurs travaux à eux, quelques uns de moi puis est venu ce vernissage où ils sont presque tous. Il y a eux dans ce vernissage, leur énergie, la complicité tissée avec ceux qui viennent, des chouettes moments de partage vécus ces derniers temps. Il y a tout ça, c'est lent, c'est doux, c'est calme et il y a du feu dedans.

Bien sur il manque quelques visages ce soir là parce qu'on a tous nos vies, bien sur j'ai envie de dessins avec deux , trois autres mais ça tombe bien...L'exposition elle s'appelle" à demain".







Bisou bisou camarades 

Les photos sont de Martial Denais, les niaiseries de moi, le coup de bambou d'après expo pour ma pomme et ma trogne sont le sceau du bonheur ça secoue et l'exposition se visite du jeudi au samedi de 14 heures à 19 heures au 57 rue des cascades avec le dimanche 18 octobre en extra bal.

Les fautes de frappe sont offertes par la maison.

samedi 14 mars 2015

Radio Marais

Mardi dernier j'étais à la radio. Paris est un village, on croise, recroise les mêmes rues, les mêmes noms, notre présent s'écrit à coups de passages. 

J'étais sur radio marais, rue chapon . rue chapon où vivait une amie, toujours voisine ailleurs. Le marais où je suis né au collage, bêtement parce que j'y passais souvent, sans trop savoir pourquoi maintenant. Il y a tellement de monde, trop de monde là bas. Peut être parce qu'amies lesbiennes perdues de vie depuis.



Radio marais où j'ai déjà venu escorter une belle amie à la voix de velours il y a quelques mois, longtemps déjà.Aujourd'hui c'est ma voix, le velours rouge est pour mes rideaux, niveau voix c'est le nez qui a le pouvoir, le monocorde pour rythmique.

Pour l'émission une nterview, discussion puis un mur à disposition à qui dire bonjour et au revoir. La discussion est chouette, on est bien reçus ici, le temps glisse bien, c'est ne petite bulle furtive, peut être même qu'à un moment j'ai décroisé les bras.

 Avant l'au revoir,je joue avec mes rouleaux de papier, un peu humides ( merci aux murs qui suent ) , il faut passer par dessus le précédent. Argh! C'est criminel de recouvrir, passer sur l'autre tout court, sauf pour rire si il est d'accord . Je "recouvre" Madame, Madame Moustache pour beaucoup, colleuse émérite, goinfre amoureuse d'affiches sur dimensionnées et accessoirement une amie . je recouvre avec un peu d'états d'âmes et de sourires aussi parce qu'on est devenus amis comme ça, parce qu'elle avait recouvert par accident un de mes personnages sur montmartre.



Montmartre...je vais plus là bas non plus, tourisme oblige il y a tant et trop sur les murs, plus de place, juste des spots, dans lesquels je me retrouve peu et puis...Il y a ces policiers en vélo avec qui mes relations sont tièdes bouillantes: "ici c'est chez nous, restes dans ton quartier", Je comprends, les policiers en voiture ont toujours été plus sympas, sur un vélo il doit y avoir un soucis de virilité , c'est courant, sens commun.

Les questions, discussions c'est toujours un peu étranges, chouette quand c'est comme ici, informel et un brin dynamique mais étrange quand même. Je suis bavard pour raconter ce qui occupe la meilleure partie de mon esprit à temps complet mais en vrai de vrai....Vrai de vrai normalement ça annonce un mensonge mais là....même pas.

En vrai de vrai on dessine, on s'agite, on se passionne justement parce que ce sont des moments où on ne pense pas ou alors on pense silencieux juste avec les mains. Les mains se coupent un peu, parcourent une feuille pattes de mouches , plongent dans un pot empli d'odeurs chimiques mais surtout elles ont le pouvoir et le cerveau les suit docilement, baillonné par l'instant le sacripant flagellant.




Ce ne serait pas très poli de dire non, niet, véto alors on répond aux questions presque toujours et souvent c'est chouette mais la vérité c'est que je n'ai rien à dire bien sur , le savoir est probablement un certain avantage, cela évite les prêches et il y a tant de monde , déjà, sur ce créneau là.

C'est passionnant quand même de dire qu'on a rien à dire même si souvent on parle à côté en interview. C'est passionnant parce qu'on se lève le matin en pensant à ce qu'on va faire alors en parler pourquoi pas. Passionnant parce que l'humain est un animal qui rend curieux, c'est pas qu'on se comprenne souvent mais on a plaisir à se croiser pour tenter de le faire. 

Les questions posées en interview , souvent, renvoient à un milieu, au contexte, au monde autour ou à de petits mondes. Je suis de passage, toujours de passage, à côté je traverse les moments, la vie des gens. Je ne m'installe et je ne sais parler qu'errant, calin comme le traversin que tu quitteras demain alors quand il faut répondre à des questions autour de définitions, de mots, de l'histoire de mouvements artistiques ou d'épiphénomènes de foire j'avoue, je ne sais que sourire poliment.

Art, art de rue dit en anglais ( même l'idée de l'écrire me donne des boutons) c'est des grands mots tout ça,c'est pas ça l'histoire. L'histoire c'est vivre, traverser tout ça et manger du bonheur ou en donner si on ne sait pas faire. L'histoire c'est que mes personnages rencontrent pour moi, vivent pour moi, parlent pour moi. Si un passant invente une histoire , les prend pour ce qu'ils ne sont pas c'est une vérité toujours. 

Mais quand même en 2015 je suis un peu devenu artiste, je pourrais dire ça. Comprenez, mes murs suintent d'humidité jusqu'à s'en tacher, je vis dans une pièce, je trouve beaucoup de charme aux yaourths premier prix, l'idée de manger deux fois par jour me parait brillante et mon pouvoir d'achat s'est réduit d'un coup de disette magique depuis que j'ai quitté la fonction publique pour embrasser une voie nombriliste. Je suis un peu devenu un artiste, j'ai payé une paire de lunettes en dessin, on me parle alternativement comme un prince ou un mendiant, ce gentil petit chose qui flotte mollement. Je suis un de ces types habillés en noir qui vivent le luxe de leur passion aliéné par le matériel, parlent d'argent constamment parce qu'ils ne voudraient pas y penser et ont l'indécence de s'en plaindre quand des mères courages se sacrifient autour. Je pourrais dire ça mais ce n'est vraiment pas très intéressant.

Si tu veux écouter radio marais ici tu m'entendras vétu en noir mais surtout la nouvelle, la bonne nouvelle, bientôt c'est la fête: j'expose à paris en avril, tu viens?








jeudi 8 mai 2014

Le premier huit mai

C'est le premier et le huit mai...

Paris est fermé, Paris est férié. Pas de rendez vous, jour de soi, heures de soie, sans clic clac d'horloge ni  pas oppressés.

Premier mai ami...je me réveille avec un chat à ma droite, un chat à ma gauche dans un lit de Pantin. Les draps portent  délicieusement odeur et parfum d'une personne que j'ai aimé  à l'approcher en corps hier. Demain ce sera jamais peut être, on sait pas, on ne sait jamais, la vérité s'accueille aujourd'hui et ce parfum je m'y blottis maintenant.

Il y a son absence dans la pièce pour un au revoir ou un adieu. J'étais là pour eux, les deux créatures moustachues à l'allure de peluches débonnaires, de longs poils qui cachent les pattes, le visage, ils me regardent intrigués, une patte en avant, prêts à filer en arrière. Un à ma droite , un à ma gauche, la porte sur le côté. Je la prends avec mes rouleaux de papier, repoussant mes acolytes qui tentent de se faufiler dehors eux aussi.



Pantin, le canal, le patrimoine des banlieusards d'après Marc Perronne, un musicien sage comme son nom de philosophe grec.

Ce matin là est riche d'un mur vierge, face à l'eau, un mur comme je les aime, il ne paie pas de mine, il y a du rien autour, du rien, du sale, un pont, de l'eau. On l'enduit de colle ,on le caresse, on y passe les mains encore, on  cajole un mur pour y déposer le papier, les rouleaux, un, deux, trois, quatre. Deux joueuses de flute, la vie, la mort, les hivers, tous les étés , tous les "je serai" et l'amour au milieu qui danse doux, même et quand même.




Un passant remercie pour la "décoration" . C'est chouette  ce mot "décoration". La décoration c'est ce que tout le monde veut chez soi et ce que méprisent les "artistes". Décorateur c'est un petit nom d'oiseau pour les grands dindons farcis, bouffis de l'AAAAAArt. Je viens des piédestals renversés, de l'idée qu'on a pas besoin de noms pour ronfler, courir et chanter. Que les artistes reposent en paix. Booba et Brel l'ont dit mieux que ça.

Retour vers Paris Paris par la rue brigitte Fossey, pour trouver le métro il suffit de trouver des gens qui courent. Les touristes marchent, c'est normal ils ont le temps , ils ne sont là que pour deux jours. Nous on est là tout le temps alors on ne l'a jamais, on court, on court avec le vent.

Retour au Canal le 1er mai, le 8 j'en pars et c'est du déjà vu: Paris est férié, Paris est fermé. Exceptionnellement le canal sanctifié ne ressemble pas à une plage au mois  d'août sur laquelle aurait versé un pétrolier, offrant l'hydrocarbure pour zadig et voltaire et canettes de bière.



Le 8 mai c'est la même histoire et je la savoure. Le 8 mai les parisiens sont partis, les éboueurs sont noirs, les balayeurs arabes, les poinconneurs ne sont plus aux lilas. Le 8 mai je rejoins mon amie madame pour poser notre papier sur des murs qui seront nôtres jusqu'à ce qu'arrachage s'ensuive. Les gens disent merci, froncent les sourcils ou bien ne nous voient pas, on ne sache pas, on est donc invisibles.

Je me souviens que le ier j'écoutais parler une dame. J'écoute souvent les dames parler, en général elles disent moins de bètises, elles ont moins de crocs mais seulement en général. Les désertions sont aux généraux lorsque leur empire est de sang, les exceptions accompagnent toutes les vérités.

Cette Dame là  fêtait une Jeanne. Jeanne  était derrière elle , immense et lisse sur son mur à elle,  sans arc mais avec lance et armure. Elle disait que la France était un exemple de générosité, de tolérance, de liberté et que beaucoup d'immigrés étaient inassimilables de par leurs traditions. Cherchez l'erreur, trouvez l'horreur.



Le  premier mai j'avais fini ma journée en collant une femme tenant un coeur ailé . Un monsieur au matelas à angle de mur a proposé de m'aider. Il voulait parler de sa femme qui est partie, à cause des prêcheurs rue myrrha il dit. Il pensait à elle il dit et dans mon dessin il la voit. Il n'en revient pas, il pense à elle et houps j'arrive et je la pose là. "les femmes c'est comme ça , elles sont là et elles s'envolent".

Ce serait lui là la menace sur mon pays peut être. Peut être qu'à cause de lui un français de souche, de tradition ne peut pas dormir sur un matelas puant la sueur collé à un mur empestant l'urine. Peut être...

Le 8 mai on ne parle plus de Jeanne, c'est loin une semaine. Le 8 mai une dame et son fils partent chez eux m'apporter des ciseaux pour rectifier une affiche. Grâce à eux je la pose moins sale, il y a une lance, un cheval de bois comme une armure et le loup de toutes les peurs d'enfance et d'ailleurs.



Le 8 mai c'est aujourd'hui, il est quatorze heures et la journée déjà est pleine. Ca donnerait quoi si on logeait toutes les plus belles heures de nos vies en un jour un seul? Est ce que notre coffre à trésors déborderait de ces images là? 

On ne saura pas. Aujourd'hui c'est juste le premier huit mai. L'eau coule sous les ponts du canal. Il reste dix heures à vivre avant que la sortie du jour ne soit définitive.