dimanche 23 février 2014

Confessions de deux cent quarante masques

Le Mur c'était hier avec l'impression d'avoir encore vécu un moment fort, de partage. Le bonheur d'avoir encore volé de la joie au temps.Parce que le monde je ne le verrai jamais bleu comme une orange, le ciel jamais nuages le rire et la joie je les sème, je les porte comme des flammes ciselées , arrachées à tant et temps.


Le Mur on m'avait souvent dit...il faut que tu le fasses, il faut que tu demandes. Le Mur c'est une joyeuse et simple "institution" pour street art à paris et plus je crois. Une association qui gère, anime un mur qui est un espace publicitaire arraché aux messages subliminaux de consommation, rétrocédé avec un intervenant tous les quinze jours, défrayé, rémunéré et un vernissage puis on recommence. En quatorze ans ils en ont fait défiler du monde.



On m'avait dit mais je n'étais pas vraiment convaincu, en fait je ne demande jamais, rien alors demander à faire un mur... Je ne demande rien parce qu'avancer d'un pas vers quelqu'un c'est effrayant comme d'utiliser son téléphone, monter en haut d'un toit avec le vertige, ça me donne des sueurs et elles sont froides.

C'est aussi ma relation paradoxale avec le street art, dedans ,dehors. Dedans puisque je colle, colle, parsème et que j'en aime la fraicheur, l'enthousiasme, les sourires de tous ces gens qui disent merci et avec qui tu cesses ton monologue pour dialoguer. Des personnages, des figures, de l'entrain, de la curiosité.




Dehors parce que je ne viens pas de là, que je n'en connais pas l'histoire , que j'étouffe dans les milieux, les codes, les passages obligés, que l'appétit des marchands me fait gronder les herses, que les mépris des autres me fait aiguiser les courts couteaux , que les "tu fais du marketing", "tu fais ça pour ta promotion", " tu devrais coller des originaux", " tu dois coller des originaux", "on ne t'aime pas dans le milieu", " qu'est ce que tu penses de tartempion aux pommes", " tu n'étais pas là hier soir", "viens là petit on fera des sous sur mes genoux", " tu veux faire une expo street art" ça me donne un tour de mou. Je ne veux pas en être, vraiment, ça m'ira. 


Je m'étais dit que les murs il y en a plein alors...Et puis le génial et feux d'artifices Thom thom m'a proposé et il faut bien le dire j'en ai été heureux. Prévenu bien longtemps à l'avance cela me donnait, une fois quelques dates passés, un mois pour dessiner, préparer. heureux de l'opportunité d'être là , d'être invité, de poser des personnages avec du temps et un moment à partager, inventer. Une invitation simple, généreuse pas épineuse.

Rapidement j'ai choisi un bal. Un bal puisqu'il s'agissait d'inviter, accueillir, recevoir et donc partager. Pour une expo de dessins en lieu fermé on accueille aussi mais il peut s'agir d'une invitation à l'intime, du personnel, son histoire de brisure et de chaleur.



Pour Le Mur, un mur dans la rue je voulais une fenêtre sur ce que je dessine mais qui soit aussi une porte , une invitation donc un bal. Un bal pour danser sur le monde tel qu'il est, du doux sur ce que sont nos vies de fourmis torturées par la haine ,les colères, des bruits, des conflits de races inventées, de classe, de normes subies, d'amours qu'on se rend impossibles , de pouvoir, d'argent, de jugements, d'ego. 

Un bal de douceurs, d'ondulation, d'élégance , que cela glisse et puis un bal d'androgynes, un bal de filles , de garçons qui sont hommes, femmes, et vice versa sans qu'il y ait vice à cela . Implicitement les aboiements autour de la théorie du genre qui n'existe pas, la suite de mes dessins sur l'homophobie "l'amour n'est jamais sale" pour qui veut la voir.



L'homophie, le machisme, le racisme , hydre à plusieurs têtes, toutes me débectent.

Un bal donc...un mois à dessiner des danseurs, des danseuses, jusqu'à bien entendu en faire trop pour le projet et ça importe peu. Utiliser des dessins existant, poser vite fait ce qui existait...bof, bof, bof donc des heures de dessin, emporté dedans, le sommeil qui se réduit, les repas qui se décalent ou sautent parce que la feuille avale, on rate, arrache, se fait plaisir, dedans.

Le collage prend forme, se fige après un plan avec l'aide d'une amie architecte à la générosité et gentillesse hautes comme un immeuble de trois étages. Il y aura la lune comme dans une chanson de la souris déglinguée " et maintenant qui danse accroché à la lune?", il y aura karl mon tatoueur qui m'a encré mon monde sur la peau et sa belle Emeu...line.

Le thème, le contenu, l'érotisme esquissé et intégré aussi et puis restait la question du cadeau. J'ai la chance d'être suivi par des fidèles, d'ici ou d'ailleurs, se ressemblant un peu mais ayant le sourire et la joie en commun, c'est cadeau. Alors on, avec ceux qui m'aident une fois ou mille, on essaie de construire des facéties, des imprévus, des cadeaux pour accueillir les cadeaux humains. Essayer sérieusement de ne pas se prendre au sérieux mais lancer des fleurs en l'air.

Un bal, le dessin comme le plus beau des masques, ces masques qui nous protègent à la fois, mystères et évidence ce fût vite trouvé. Je suis parti sur l'idée de préparer des masques de papier. Au départ l'idée était de faire cent masques avec deux ou trois personnages différents. L'enthousiasme , la gourmandise m'ont fait finir avec quinze personnages et deux cent quarante masques à peu près. Des heures de découpe, l'aide d'eko, lisa, corinne, alice pour avancer, voir monter les tas. A coups de démesure on aura le bonheur à l'usure.

Le fil rouge il est là, partager, vibrer un peu ensemble avec ce qui nous rassemble. Un événement plus qu'une image seule, un souvenir plus qu'une vision et c'était un bonheur de préparer tout cela, de le faire avec des amis, d'être ce matin là en uniforme noir vite moucheté de colle en haut , en bas d'une échelle à voir le bal se mettre en place.




Le reste...le reste les photos le disent, elles sont toutes de Richard Beban , un de mes regards amis. Le reste c'est la f^te, c'est ne parler à personne vraiment mais se laisser couler, glisser, c'est faire l'amour avec le moment, c'est regarder des gens qui sont venus offrir leur présence, leur rire je t'aime et à bientôt ou tard et bien.


Merci...



Merci à Thom thom, Hélène, Elodie, Eko, Lisa, Laurence, Richard, Adama, Corinne, Alice, Aurélie, Claire,Silvie, Héloise, Laurent, Gaspard, Sébastien, Thierry , tous ceux qui m'ont aidé, qui ont été là de près ou si loin près et à toi et moi et tous les autres.

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