lundi 28 avril 2014

Ne changez rien, soyez tout

Lundi , le lundi, les lundi pendant un temps à durée vaguement déterminé c'est à nouveau le jour des enfants.

Pour ce qu'il faudra le lundi je prends le métro chez Georges Marchais, je vais de Jaurès à Stalingrad et je descends à Barbès , au milieu des élections en Algérie.

Je marche sans forcer vers la rue de clignancourt, dépassant les tissus africains, ce qu'il reste de mini collages de la semaine d'avant et j'approche d'un batiment où flotte un drapeau tricolore, pas le commissariat, c'est après le commissariat, j'entre à l'école.

Face à moi il y a encore dans la cour, un brin amputé par le temps ce que j'ai collé l'année précédente et c'est toujours un petit sourire gêné magique de les voir là, un arbre, la bête et la belle mystérieuse, celle de la cape noire avec des enfants autour.





Ensuite montée dans la classe, ça se complique, je rêve tout d'un coup que mille têtes me poussent au cou quand j'entends "fred!", "fred le chevalier!", à droite, à gauche, au centre.

Là bas pour un travail, un travail passion et un exercice pour eux . Une fresque de papier dans leur cour , avec leurs dessins à eux, en noir, en blanc, avec des touches de couleur et des agrandissements mais leurs dessins à eux cette fois. Il y aura en juin leurs créatures, leurs hybrides, leurs animaux, leurs héros et danseuses.

Il faudrait mille têtes pour répondre à mille questions, j'en ai qu'une avec un sourire un peu idiot sans doute.

Ils font tous à leur manière, avec silence ou mots, parlent des mains ou comme un orchestre mais sans qu'un d'entre eux te casse le rêve à te catégoriser ou se mesurer, plus tard, malheureusement ça viendra plus tard. ils ont presque tous besoin d'entendre qu'ils font bien alors on leur dit et en vrai on le pense. Celui qui n'y arrive pas on adapte, on lui parle de son style à lui , son trait à lui, pas de gribouillis, une énergie.

Avec les enfants pas de compétition mais beaucoup de questions, souvent fines, profondes, sur la forme et sur le fond aussi et puis les peurs. Est ce qu'on a le droit de dessiner un oiseau si en fait c'est pas un vrai oiseau? Est ce que ? Est ce que?

Avec eux on peut répondre comme on devrait, on peut dire "fais", on peut juste dire " tu as le droit", on peut dire "on s'en fout" avec les mots qu'il faut, on peut , on fait.



Sekou a peur de commencer, au début sa page est blanche, il se noie dedans alors nous avons convenu qu'il allait faire sans savoir ce qu'il ferait, qu'il pouvait dessiner trois yeux pour une tête, pas de nez, une bouche ou pas. du coup Sekou il dessine et sekou il dessine brillant.



Une heure et demie plus tard je suis à genoux comme après trois footings et heureux comme pour un vernissage joyeux.

Bilan de fin de séance, tous les dessins au tableau, on commence à essayer d'inventer l'histoire qui ira avec, à se souvenir de ce qu'ils voulaient raconter, à associer, trouver ce qui manque. Ils sont contents je crois, allez on le dit, je vois.





On repart comme chargé de cadeaux. Avec des phrases aussi comme celle entendue à Métra l'an passé: "C'est bien que que tu dessines en noir et blanc comme ça on voit comment c'était à l'époque de nos parents, à l'époque du noir et blanc".

Ne changez rien, apportez tout.


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