vendredi 9 janvier 2015

Hier, déjà si loin...Mort à la poésie....

Il y a un an et quelques brouettes rendez vous avec mon bel ami Richard, un des hommes les plus fins et bienveillants que j'ai croisé en mon demi siècle moins dix de vie.
Pour lui dire " bonjour et merci" je colle son   préfèré en format Xl , taille américaine, je me trompe d'adresse, on se retrouve plus tard que prévu.

Plus tard que prévu je colle le grand truc et un monsieur habillé comme tout le monde vient discuter le pourquoi du comment du collage, la question de l'autorisation de madame la mairie tout ça. Ensuite il sort une carte tricolore, m'explique qui il est. Monsieur son responsable me téléphone , me dit bien me connaitre , qu'il me faut enlever ça sous peine de payer 6000 euros ou quelque chose de gros comme ça. Il précise que si il me revoit sur murs ce sera tant par affiche.

                                                               Photo Richard beban

Arrachage, "panik, horreur, anarchie" ( métal urbain) , abattement et puis on se calme, on colle le lendemain et on réalise que c'est du bluff, juste un jeu pas méchant entre une institution qui dit la loi et de petits garçons qui pose du papier plutôt très bien toléré.

Mercredi je m'y recolle, ma petite soeur aussi elle l'aime ce dessin alors je lui redonne vie sur un grand beau mur libre. Je repense aussi à ce mec qui dégrade mes affiches systématiquement. Je m dis que c'est absurde, il écrit "la honte" sur mes visages en ce moment. Je me dis que la honte c'est autre chose, que la haine devrait aller à la haine, qu'on devrait la réserver à de l'importance mais on s'en fout. 

La plupart du temps quand quelqu'un nous insulte il ne fait qu'exprimer son dégout pour sa propre vie, il nous prend juste pour un sac de sable, nous insulte comme il prendrait un générique mais on s'en fout, bisou, bisou.

C'est une belle matinée, c'est une belle journée et le soir j'irai rigoler devant le spectacle d'un géant charismatique qui parlera de l'encre sur son corps mais ça ...c'était hier matin, c'était il y a  mille ans. C'était avant.

                                                              Photo Sylvain Borsatti

La journée en triple je la passe vidé comme tous les autres, je la passe secoué comme tous les autres avec les tripes qui puent, les yeux qui mouillent, l'énergie en lamelles qu'on peine à assembler.

Je scotche double face devant la télévision voix unique, au début l'on parlera " de unes provocatrices qui ont permis d'écouler beaucoup de numéros" puis de "martyrs", les mêmes. De gentils messieurs dans la rue trouvent cela horrible, surtout pour " les deux innocents, les policiers ils n'y étaient pour rien eux". Je ne lis pas internet poubelle, l'avis des gens de la télé réalité aux forums c'est des inscriptions sur des murs de toilettes écrites à la merde. 

On dira qu'ils étaient islamophobes, néos coloniaux, je crois juste qu'ils sont morts, que leurs corps sont perforés, éclatés, en morceaux épars.



On dira que les musulmans doivent se positionner, qu'il faut supprimer la binationalité. On dira tellement mais je ne rebondis sur rien, jamais. Je ne débats jamais, on récite, on s'écoute parler. Je te dis pas que j'ai raison, je te dis que j'y crois peu après que mon interlocuteur ait plus de treize ans.

Tu le sais, l'humanité c'est le diable, ça doit être moins seul point commun avec les croyants, je crois au diable, au bien , au mal, dilués en nous et omniprésents. On s'haine pour tout, la moindre parcelle de pouvoir, de propriété sur l'autre, de rivalité.

On sait tous  tout ça, des portes ouvertes enfoncés en soufflant un peu fort sur une maison en paille et pourtant...Pourtant plus rien que la léthargie. je suis d'angoulême, cabu, wolinski c'est des figures de toujours. On a exécuté ces vieux messieurs. Tu l'aurais cru toi il y a vingt ou trente ans qu'on tuerait le type de Récré A2 et le priapique rond et qu'on les trouverait suspects de néo colonialisme?

Je ne discute pas, je n'irai répondre, répandre à aucun parti, aucun milieu , aucun concentré de réduit identitaire suffisant. Le monde est peuplé de loups, pas une raison pour vivre dans une bergerie. 




On fait quoi de ça? On meurt, on se mure, on hait, on vit, on baise?

J'arrive pas à me voir dessiner, coller, absurde, plus dérisoire encore que d'habitude. Je réfléchis à dessiner dessus, dessiner autrement peut être, représenter comment. Je réfléchis , j'imagine, je malaxe, je me jette dessus puisque sinon je ne me jette sur rien. La télévision , la place de la république au milieu des zombies , c'est chaud et froid. J'écoute Heimat los, je mange parce qu'il faut.

Je ne dessine pas l'horreur du monde, pas littéralement et en même temps je ne dessine que ça. Je ne dessine que la volonté d'y échapper, la violence des relations, des émotions, l'impact de la haine sur nos vies et les envolées qu'on s'offre pour aller par dessus. Finalement pas besoin de dessiner "ça", c'est déjà dans le paquet...Cadeau!

 J'en arrive là en bout de course. Je ne me voyais plus coller une clairière, j'en arrive à coller surtout une clairière, vite, fort, dans la désespérance joyeuse, vite.

En attendant je colle trois mots, sur un de mes personnages quelqu'un a écrit juif en rouge, sur le front. Parait que je suis juif" , ça me fait un point commun abec Booba, reste à visiter Miami.Pas en jaune, en rouge, il a respecté le code couleur, blanc, noir, rouge, vers, merci.

J'attends le jour, j'attends un écrin de lumière et j'irai me salir au bord de l'au tout à l'heure. Hier c'est déjà si loin , je ne collerai pas comme hier, je ne dessinerai plus comme hier...ou presque.

Dessiner des roses c'est peindre l'horreur du monde et la beauté des jours, comme hier...ou presque.


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