mercredi 11 février 2015

La cité des Valois

Tu sais, on vient tous de quelque part et souvent on n'a pas envie d'y retourner, jusqu'à ce que le temps est éteint nos souvenirs de printemps.

 Je suis né, grandi ,j'ai été  écolier, collégien, lycéen à Angoulême, cité des valois qui était alors "ville qui vit en ses images", années 80 pub et fric obligent.

 Les images on en garde plein de son enfance, plein et bien nettes qu'on en veuille ou pas. On garde des madeleines de proust, des biscuits à la crème et quelques uns tellement trop secs qu'ils cassent les dents. 



 Je garde la montée des marches vers le centre ville, dans une ville médiéval le centre est à l'abris des remparts donc...on monte.Comme dans les illusions perdues l'ascension sociale se fait à coups de marches.

 Je garde l'insouciance de l'école des petits, compétition de rollers, le sentiment de différence, les blagues qu'on ne comprend pas, les concours de zizi déjà ( l'âge adulte ne nous apprend rien, les règles sociales sont incultes), la dureté de l'écoles des plus grands, la violence qui suit à pas, disparaître, se fondre. 


Je garde les murs peints, druillet immense tout là haut la bande dessinée, des concours de dessins , une brosse à dent électrique et la vie de jesus gagnés avec des stylos, le punk découvert à 14 ans, la souris déglinguée en disque vynil déjà, ma chambre d'enfant sous les toits, toujours. Sandrine V et son accent toulonnais que je n'aurai jamais embrassé, Laure et ses anglaises, pas davantage.

 Je garde les clémentines et le chocolat devant la cheminée, la dernière séance, les tableaux de mon père, les livres de ma mère, Emilie de ma soeur. Je garde des chats qui vivent et meurent.Apprendre à courir, faire vivre son corps, courir, sauter des haies, un marathon le corps enfoui sous les courbatures.



 Je garde. Je garde le besoin de partir, stop, assez, stop, loin, loin, plus jamais, trop petit, comme enfermé dans sa cour de lycée.

Des retours parfois, longtemps jamais, voir ma famille , un tour de ville et s'envoler. Avec la renaissance au dessin j'emmène à angoulême mes personnages de papier , comme partout, à chaque fois.

Petits au départ ils grandissent peu à peu, ils deviennent des rouleaux, assez gros et grands pour qu'une main anonyme écrive "on en a marre de tes bonnes femmes" ou " es tu gay?". Ne connaissant plus personne ni d'eve ni d'adam ma pomme s'amuse de ces retours là.



Un peu plus tard, discrètement une exposition ici, en terres charentaises , chez cax, la boutique de Julien et ses meubles vintage installés dans une ex boutique d'instruments de musique à l'allure vaisseau spatial post futuriste. Pour le vernissage il y a Julien et sa famille , miel plus que vinaigre, mes parents , leurs amis, deux amies de cent ans et leur petit cercle, c'est intime, c'est joli, c'est cocon, Pas un milieu,  pas une clique, c'est l'hors monde dans la vie.Ce sont ces moments qu'on se crée pour partager, pas se mesurer.

 Retour encore invité par la BBC , je colle des chapeaux melons monty pythons pour des anglais qui m'invitent "chez moi", le train payé comme si j'existais.

 A noël je suis revenu jouer au marchand, pour la première vraie fois après une expérience avec beaucoup de figue et peu de raison. Rue piétonne , celle qu'adolescent on monte et on descend sans cesse, cherchant on ne sait trop quoi et qui, de la façon dont finalement on passera nos vies. Il fait peut être quelques degrés dans ce lieu ouvert au vent mais on ne les sent pas trop. On se réchauffe au thermos généreusement offerts, aux pâtisseries et aux bons mots.




 La découverte c'est que mes personnages sur murs ont une vie ici, qu'ils font des rencontres. On les déchire bien sur mais on leur parle aussi, on les couve aussi. On les recolle, les dessine, les filme, on leur apporte des sourires en cadeaux. On dessine en pensant à eux, on les promène en tête. J'écoute des gens , pas mal de gens me le dire en sourires, c'est une jolie fête. 

 La découverte c'est que finalement je suis revenu à Angoulême, pas juste un jour puis un week end puis tout l'été dernier, je suis revenu vraiment mais je ne le savais pas. Je suis revenu de la seule façon dont je sais me lier, dans le silence ces mots et avec mes personnages qui restent là, qui rencontrent, qui touchent sans se coucher. 



 Je suis revenu même si physiquement je repars à Paris sans le moindre soupçons d'envie. C'est bien Paris, c'est bien aussi, il y a plein de beau à Paris mais je sais que je vais courir là bas. Je sais que je vais rejoindre ce qu'on appelle appartement mais qui est une menterie. D'un appartement il n'y a que le loyer qui coûte trois bras, six yeux, deux têtes mais c'est une pièce avec des taches d'humidité pour invitées. 

A Paris il n'y a pas cette invention magique qu'est la baignoire, il n'y a pas de cheminée, de fleurs dans le jardin de ma mère, mon chat ne dort pas sur moi, A Paris,  en rêves je découche pour l'appartement atelier que la bonne fortune me donnera ou pour la ville que j'épouserai. 

J'avoue pour la première fois, à Angoulême...je serai bien resté.


Enregistrer un commentaire