lundi 14 décembre 2015

Je fais des trucs

Rue Bichat ce week end des enfants et adultes peignaient sur les murs, des lampions, des couleurs, allaient d'une fenêtre à l'autre. Il y a besoin, il y avait besoin. Il y a moins de fleurs c'est bien. Pas que j'aime pas les fleurs mais c'est particulier de vivre entourés des fleurs des gens qui meurent. Logique, important qu'on les veille, qu'on les honore, qu'on les accompagne mais vivre au milieu d'un sanctuaire c'est...particulier.

J'y ais mon collage du premier jour d'après, ma fleur à moi, je crois que je serai sans doute content qu'il parte lui aussi finalement. Il a recouvert , sous le coup de l'émotion, un bout de collage déchiré, devenant lugubre. Un personnage noir et blanc , visage scindé y tient une bougie. Je l'ai posé parce que je ne pouvais pas rester plus de trois secondes devant "ça", devant l'image superposée à la rue de corps sans vie que j'ai eu la chance de ne pas voir. On a juste été démolli par procuration et sans doute que c'est bien, il nous reste de l'humanité dans ce qu'elle a de beau, dans la fraternisation avec l'autre, pas juste de la bile et de la haine.

Pendant une semaine personne ne s'insultait dans la rue, rien, nada, tu pouvais même prendre le métro sans pieds sur les tiens. fou...Après j'ai entendu crier "pédé" à nouveau. A nouveau traverser au passage piéton ressemble à une tentative de suicide et il faut expliquer : notez monsieur que je suis bien plus enculé que pédé.

Quelques semaines plus tard envie toujours ,encore de la vie dans toute sa banalité.Je ne saurais jamais ce que m'ont fait ces tueries là, ce climat si pesant de quartier. Quand ils ont tué j'étais tellement en vrac et si profond que j'étais mort dedans, dans tout l'égoisme et la futilité de l'émotion humaine. Pour rien bien sur, ces riens qui font qu'on meurt dedans et sent le béton couler en nous.

C'était vraiment mal organisé de toute façon tous ces assassinats, ils auraient pu tuer lorsque je flottais dans un bonheur insolent, comme en janvier, juste pour savoir ce que ça me fait. c'est toujours pareil, les gens ne pensent qu'à eux et pas à moi. On est détournés de notre individualisme par l'égoisme collectif.

Mal foutu , mal organisé, l'autre fois on s'engueulait entre nous, on polémiquait avec les musulmans , on demandait à une femme voilée déposant des fleurs devant un journal si elle condamnait, on se demandait si ils l'avaient bien cherché. Là...on ne s'engueule pas, à part nos députés à l'assemblée mais c'est par leur faute, ils jouent leur rôle d"incitation au poujadisme.

 Je ne saurais jamais mais je crois que ce quartier il a été mutilé un temps, au moins un temps.

Il y a des enfants qui peignent et une adulte qui me parle, me demande qui je suis car j'ai mo nchariot souillure colle, perche, rouleaux et qu'elle doit me prendre pour une personne contactée pour ce mur. Je réponds à "t'es qui". Elle dit aimer mes dessins mais..."J'aime bien mais je les trouve tous tristes tes personnages, tu es triste?"




Pas du tout, j'ai seulement moisn d'ambitions que lorsque j'étais suicidaire madame.

Les enfants ont de commun avec les adultes qu'ils n'écoutent pas forcément les réponses mais par contre ils posent des questions plus intéressantes.





Clichy ce matin, personne ne m'a demandé si j'étais triste. Les enfants te demandent quel animal tu dessines, comment tu fais et puis comment tu fais et encore comment tu fais. Les enfants te parlent d'eux, si tu dessines un ours ils te parlent de leur ours, de leur style de dessins. Une petite fille me dit d'un sérieux de maternelle qu'elle utilise la même colle que moi pour ses collages. L'arbre à yeux, bouche, oreilles et peut être bras interpelle certains. Pas celui qui dit quavec l'imagination tu peux donner des yeux, une bouche aux arbres et qu'avec l'électronique et les fils on peut les fabriquer.

Avec les enfants tu parles entre pratiquants de la danse, du chant, du collage et du dessin, avec les adultes c'est la fête de la compétition, des leçons et des concours de pipi, tous urophiles.



La grande question c'était : Pourquoi tu fais ce métier?



J'ai essayé de répondre que ce n'était pas un métier, bien plus sérieux que ça puisque ça ne l'est pas mais la réponse a été donnée par un autre: 

"Moi, je fais des trucs" . on fait des trucs, juste des trucs parce qu'on y croit. On a cinq ou cnquante ans et on fait des trucs parce que pendant on est dedans et que parfois on les partage et que là c'est mirage. On fait des trucs parce qu"on les aime, on s'y salit et brille et après on pourra dire ce qu'on veut... On pourra nous dire qu'on est un rond ou un carré, un génie ou un enculé, un récupérateur ou un aristocrate, sans culotte comme pronographe. On fait des trucs parce que ça roule.


Hasta la vista, viva la muerte

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